Interfictions 2, édité par la Interstitial Arts Foundation, Boston, 2009, 320 p., couverture de Stephen H. Segal avec illustration de Alex Myers, $16, ISBN 978-193152061-4
Il y a aux USA un groupe d'écrivains qui refuse d'appartenir ni à la littérature « générale », ni à un genre déterminé, et qui, pour différentes raisons, prétend créer une littérature « interstitielle », parente de ce que Francis Berthelot désigne comme « transfictions ».
L'abord de l'anthologie Interfictions 2, deuxième du genre donc, n'est pas convaincant: une préface qui place, de façon abusive, l'entreprise sous la référence d'une phrase de GrouchoMarx refusant de faire partie de tout groupe qui accepterait sa candidature. De façon abusive, dis-je, parce que la phrase de G Marx était une auto-dérision sur l'idée d'un groupe qui accepterait la candidature d'un phénomène tel que lui, et le fait qu'il ne s'identifie pas à l'image que les gens ont de lui, alors que le préfacier voudrait en faire une invocation à refuser l'enfermement dans un groupe constitué. Et d'expliquer la nécessité d'une littérature sans carcans de groupes ou de genres; certains auteurs se plaignent d'être rejetés par les groupes constitués en fonction de tels carcans et veulent que ce qu'ils écrivent soit jugé de manière globale et non en fonctions de règles étroites; c'est autrement justifié que le rejet à priori de la constitution de groupes.
Passons; il faudra que je relise la préface, elle m'a paru énoncer des non-principes qui se contredisaient entre eux, à force de citations diverses et, je le répète, contradictoires.
Les deux premiers textes de l'anthologie m'ont paru tout à fait conformes à des types de littgen, de fiction psychologique ou d'autofiction; s'ils ont été rejetés par les revues « mainstream », je ne sais pas pourquoi; ils sont tout à fait dans les règles de la littérature, et de bonne qualité.
Le troisième est un récit fantastique original, mais qui ne viole en rien les règles du « genre » fantastique.
Les deux suivants ont tout à fait leur place dans une revue de science-fiction qui accepte les expériences de pensée; pas une revue dédiée à un « sous-genre » comme le space opera, le cyberpunk ou l'anticipation, encore que je qualifierais volontiers l'exposé de réflexions sur la mémoire comme un jeu de hard science appliquée...
Bref, plus je lis les textes de l'anthologie et moins je vois en quoi ils ne pourraient trouver place dans aucune des branches de la littérature (littgen, fantastique ou science-fiction; à part le texte de Lionel Davoust, écrit pour l'anthologie de contes arthuriens de Lucie Chenu, je n'ai pas rencontré de texte de « fantasy »); pourtant certains auteurs rappellent, en postface, que leurs oeuvres sont refusées par la littgen comme trop connotées par un genre, et par les revues de ce genre comme pas assez conformes. Pour les textes que je classe science-fiction, j'ai peine à croire que des rédac'chefs de revues de SF les refusent comme pas assez marqués. Et dans tous les cas les refus éventuels me semblent prouver, avant tout, l'esprit étroit de l'éditeur de la revue et le refus de toute innovation dans la branche qu'il veut étouffer sous prétexte de la défendre.
Détailler les textes conduirait certainement à vouloir privilégier certains, plus proches de mes goûts; je ne vois aucun motif valable de le faire. Leur variété prouve seulement qu'il n'y a pas de secteur privilégié de la littérature qui serait plus ouvert qu'un autre à la nouveauté ou, de façon inverse, plus intolérant de façon à pousser vers les marges les auteurs créatifs. Cette antho est, pour moi, un rappel de l'unité de la littérature loin de la séparation en « branches » fermées.
mardi 2 mars 2010
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