Je viens de relire l’article publié en 1951 dans les Temps Modernes par Stephen Spriel et Boris Vian. Comme rien dans le texte ne permet de séparer les contributions des deux auteurs, je dirai l’auteur…
Et cet article est, d’une certaine façon, un grand oxymore, qui raconte, après une introduction conforme au titre (« un genre qui connaît actuellement aux États-Unis une vogue étonnante »), exactement le contraire de ce qu’il semble annoncer. D’abord, en rappelant les œuvres déjà « anciennes » de Jules Verne, Rosny Aîné, Maurice Renard, il remet en cause le « nouveau » ; ensuite en rejetant la classification par « thèmes » proposée en 1948 par Geoff Conklin, il nous montre comment, même si elle présente un élargissement notable du cadre des récits, la science-fiction ne change en rien les données fondamentales de la littérature.
D’une part, et contrairement à ce que prétendront plus tard ses détracteurs, la science-fiction ne comporte aucune diminution de la recherche de style par rapport au reste de la littérature ; comme ailleurs, il y a des tâcherons qui écrivent n’importe comment, qui sacrifient toute recherche linguistique à un scénario plus ou moins original ; et comme ailleurs les bons auteurs soignent leur écriture.
D’autre part la recherche du dépaysement, le refus de se contenter du monde réel et de l’étudier, que reprochent avec tant d’âpreté les détracteurs, comme cet académicanthrope du Figaro que je ne nommerai pas, n’y est pas plus prononcée que dans tant de livres de littérature « générale » (l’auteur cite par exemple les aventures d’Hornblower).
Bref, en peu de mots, on peut résumer l’article en écrivant que la science-fiction n’est pas un genre nouveau, ce n’est que l’extension à un champ encore inexploré de ce que fait de tous temps la littérature, et les poètes de la science-fiction (Bradbury, Heinlein) ne se distinguent de ceux de la littérature « générale » par aucun trait fondamentalement différent, nouveau, supérieur ou inférieur.
Même si Stephen Spriel, par la création du Rayon Fantastique, a contribué à la création de ce ghetto qu’est aujourd’hui le fandom, on chercherait vainement dans cet article les bases théoriques de cette séparation. Et le lecteur que je suis, convaincu de l’inanité de cette séparation et désireux de voir réintégrée la SF dans le corpus général de la littérature, ne peut qu’approuver ce qu’il vient de lire.
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